Auteur : Carrington Leonora
Romancière et artiste peintre anglaise, Leonora Carrington naît le 6 avril 1917 à Clayton Green, au sein d’une famille de riches industriels catholiques. Elle décède le 25 mai 2011 à Mexico.
Enfant rebelle et indisciplinée, Leonora Carrington est renvoyée de plusieurs collèges religieux anglais. Entre 12 et 14 ans elle étudie dans un pensionnat à Paris, puis voyage à Florence où elle découvre l’art de la Renaissance italienne, qui confirme très tôt son désir de se consacrer à la peinture. Elle montre des aptitudes pour le dessin, écrit à l’envers, peint des deux mains, s’intéresse au monde surnaturel. Elle se passionne pour les animaux et particulièrement les chevaux, s’imprègne de la mythologie celte et irlandaise, des contes de Lewis Caroll, transmis par sa mère et sa grand-mère.
Contre l’avis de son père, Leonora Carrington part à 18 ans étudier dans une école d’art à Londres, puis s’inscrit à l’académie d’Amédée Ozenfant. En 1937, elle rencontre Max Ernst qui changera le cours de sa vie. Max Ernst l’introduit auprès des surréalistes, éblouis par cette jeune femme excentrique, douée et audacieuse. André Breton admire ses écrits et peintures. Plus tard, il lui consacrera un chapitre dans son « Anthologie de l’humour noir » et inclura la nouvelle « La Débutante ». L’été 1938, le couple part vivre à Saint-Martin-d’Ardèche dans une maison qu’ils décorent de leurs sculptures. Leonor Fini, Paul Eluard, Roland Penrose, André Pieyre de Mandiargues viennent leur rendre visite, Lee Miller les photographie. Ils peignent ensemble La Rencontre (vers 1939).
Ecrivant en anglais, en français et en espagnol, Leonora Carrington publie des nouvelles et des récits surréalistes – bien qu’elle récusera toujours ce terme la concernant – dans lequel l’humour noir côtoie l’onirisme, le fantastique et les références aux sciences occultes. Elle participe à la grande exposition surréaliste de l938 organisée par Marcel Duchamp et André Breton, en compagnie d’autres jeunes femmes artistes de l’époque : Meret Oppenheim, Remedios Varo, Sophie Taueber-Arp, Toyen…
Quand l’Allemagne et la France entrent en guerre, Ernst est emprisonné une première fois en tant que citoyen allemand, puis après l’Occupation, en tant qu’opposant au régime nazi. Peu après sa seconde arrestation, Leonora Carrington, très fragilisée, commence à ressentir les premiers signes d’une dépression. Des amis lui proposent de l’emmener avec eux en Espagne. Elle laisse derrière elle peintures, sculptures et plusieurs nouvelles, dont Histoire du petit Francis, qui ne seront retrouvées que bien plus tard par un spécialiste de Max Ernst (Werner Spies). À Madrid, elle sombre dans un délire aigu. Encouragée plus tard, alors qu’elle est déjà au Mexique, par le psychiatre Pierre Mabille, elle relate dans son récit En bas (Henri Parisot, 1945) son voyage effroyable au cœur de la folie et son internement dans la clinique du docteur Morales à Santander, l’été 1940.
Leonora Carrington parvient à s’échapper de la clinique, arrive à Lisbonne, et y retrouve un ami diplomate mexicain, Renato Leduc, qu’elle avait connu auparavant à Paris. Il lui propose de l’épouser, pour échapper aux Allemands et à sa famille anglaise. Tous deux quittent Lisbonne en bateau pour New York où ils resteront jusqu’en 1942. Ils se joindront à d’autres amis venus de France, comme Pierre Matisse, Breton, Masson, Duchamp, Léger, Tanguy… puis ils partent s’installer définitivement au Mexique, terre d’accueil pour de nombreux réfugiés de la guerre civile espagnole et de la seconde guerre mondiale. A Lisbonne et à New-York, elle a revu Max Ernst, qui est devenu entre temps l’époux de la mécène Peggy Guggenheim.
À Mexico, Leonora Carrington se lie d’amitié avec la jeune peintre espagnole Remedios Varo, qui devient sa meilleure amie, Benjamin Péret, Alice Rahon, Kati et José Horna, Günther Gerszo, Wolfgang Paalen, Luis Buñuel… et rencontre le photographe hongrois Imre « Chiqui » Weisz, ancien compagnon de route de Robert Capa, qu’elle épouse et dont elle a deux enfants, Pablo et Gabriel. Elle entre dans une période de créativité intense. Avec Remedios, elle trouve « une intensité du pouvoir de l’imagination qu’(elle) n’avait pas rencontré ailleurs ». Elles explorent ensemble de nouveaux territoires : spiritisme, recettes de cuisine alchimiques, étude de la Cabale, du Livre Tibétain des Morts et du Popol Vuh. Les deux artistes peignent des tableaux visionnaires représentant des protagonistes femmes occupées à d’étranges tâches domestiques, des créatures mi-animales, mi-humaines, en combinant des éléments de mythes de différentes cultures avec une iconographie religieuse à la fois chrétienne et païenne, puisant dans le répertoire des croyances indigènes mexicaines. L’art de Leonora Carrington se fonde sur le magique, le mystique, le mystérieux.
Leonora Carrington écrit Le Cornet acoustique et La Porte de pierre. Elle fréquente les artistes et intellectuels mexicains. Son amitié avec le poète et écrivain Octavio Paz – avec qui dans les années 50 elle participe au groupe théâtral d’avant-garde Poesia en voz alta. Carlos Fuentes parle de « sorcellerie ironique » à son sujet, et Paz d’une « sorcière ensorcellée », ou d’« une somnambule échappée d’un poème de Yeats ».
C’est seulement en 1956 qu’elle réalise sa première exposition d’importance à Mexico ; Inés Amor et la Galeria de Arte Mexicano lui ouvrent les portes de la reconnaissance. En 1956 également, elle réalise pour Paz la scénographie et les costumes de la pièce qu’il a écrite, La Fille de Rapaccini, et en 1957, Alexandro Jodorowsky met en scène Pénélope, la pièce de théâtre qu’elle-même a écrite. Le mécène anglais Edward James, protecteur de nombreux artistes surréalistes soutient son œuvre, et lui demande de décorer de fresques sa maison surréaliste Las Pozas, à Jilitlà.
Dans les années 60, Leonora Carrington devient célèbre. Une grande rétrospective de son œuvre est présentée au Musée National d’Art Moderne de Mexico. Elle réalise également la fresque Le Monde magique des Mayas pour le Musée National d’Anthropologie à Mexico. Elle voyage souvent aux États-Unis et y séjourne même quelques années. Elle peint, réalise des tapisseries et des sculptures en bronze. L’une d’elles, Cocodrilo, est installée à l’entrée du parc de Chapultepec dans la capitale mexicaine. Ses livres ont été traduits dans plus de six langues. Elfriede Jelinek et Olga Neuwirth ont tiré un livret de sa pièce La Fête de l’agneau.
Une grande exposition personnelle de son oeuvre se tient en 1991 au sein de la Serpentine Gallery à Londres. En 2005, le Palacio de Bellas Artes à Mexico organise une grande rétrospective. En 2007 et 2008, le Dallas Museum of Art et la Frey Norris Gallery à San Francisco lui consacrent une importante exposition. Elle décède en 2011.